Régularisation fiscale des avoirs détenus à l’étranger : de Charybde en Scylla
La régularisation fiscale des avoirs à détenus à l’étranger par des contribuables n’est pas sans avoir fait beaucoup couler d’encre et, le phénomène est à la hauteur de l’origine d’une procédure qui a mis en lumière un ministre de la République, venant nier aux représentants du peuple souverain la détention d’un compte détenu à l’étranger.
A ce jour pour l’essentiel deux types de procédure sont en vigueur :
- la procédure de régularisation spontanée et,
- la procédure de régularisation que nous qualifierons de « forcée ».
Sans prétendre à exposer exhaustivement les conditions et les modalités de chaque procédure, le propos tient d’avantage à sensibiliser sur les différences de traitement et une orientation sur un choix bien souvent douloureux à effecteur pour le contribuable.
1. Procédure de régularisation spontanée
Elle a été mise en place par la circulaire ministérielle Cazeneuve du 21 juin 2013.
Elle n’a cessé d’être fournie en circulaires et interprétations postérieures visant à cerner les problématiques et à en préciser les modalités.
Il faut retenir pour l’essentiel qu’elle a pour objet d’emporter :
- la régularisation de la situation déclarative à l’impôt sur le revenu depuis les revenus de l’année 2006,
- la régularisation de la situation déclarative à l’ISF depuis le patrimoine détenu au 1er janvier 2007,
Elle emporte des conséquences fiscales suivantes :
- la perception des droits supplémentaires d’impôt sur le revenu et d’ISF, des intérêts de retard et l’application de pénalités pour manquement délibéré modulées en fonction du caractère actif ou passif du compte et de l’origine des avoirs.
- En outre à compter des revenus de l’année 2009, l’application d’une amende pour compte détenu à l’étranger dont le montant varie en fonction du lieu de situation du compte bancaire et/ou de l’assurance-vie et, du quantum des avoirs détenus à l’étranger.
La remise partielle des pénalités pour manquement délibéré (40 %) varie comme suit :
- à 15% pour les avoirs reçus dans le cadre d’une succession ou d’une donation, et pour ceux constitués par le contribuable alors qu’il n’était pas résident fiscalement en France,
- à 30 % pour les autres origines.
L’amende pour compte détenu à l’étranger non déclaré (5 % à compter des revenus de 2011) varie comme suit :
- plafonnée à 1, 5% de la valeur des avoirs au 31 décembre de l’année concerné pour les avoirs reçus dans le cadre d’une succession ou d’une donation, et pour ceux constitués par le contribuable alors qu’l n’était pas résident fiscalement en France,
- plafonnée à 3 % de la valeur des avoirs détenus au 31 décembre de l’année concernée pour les autres origines.
S’agissant des petits comptes, soit ceux dont les avoirs sont inférieurs à 50 000 €, il existe un mécanisme de plafonnement de l’amende permettant ainsi et par exemple de limiter le montant des amendes de 7 500 € à 1 500 €.
Pour les autres impositions, par essence, ces petits comptes ne sont pas productifs de revenus importants ni, n’emportent une incidence importante au plan de l’ISF
2. Procédure de régularisation forcée : exploitation de la liste « Falciani »
L’exploitation de cette liste obtenue sur un fondement des plus douteux sauf à faire primer les objectifs de lutte contre la fraude fiscale sur d’autres infractions puisqu’il s’agit d’un vol de données propres à une banque (HSBC), peut s’avérer plus douloureux pour le contribuable qui n’a pas spontanément régularisé sa situation.
C’est qu’en effet et sur la base de cette liste, comportant des indications sur le montant des avoirs détenus par un certain nombre de résidents fiscaux français sur les années 2005 à 2007, le contribuable est mis en demeure de fournir des informations sur l’origine et les modalités d’acquisition des avoirs détenus à l’étranger.
A défaut de réponse dans un délai de 60 jours, il est passible d’une taxation au taux de 60 % du montant le plus élevé des avoirs connu de l’administration fiscale.
Pour éviter cette taxation, le contribuable doit non seulement apporter des éléments probants sur l’origine des avoirs et régulariser sa situation.
Encore que, quand bien même s’il régularise sa situation, mais qu’il n’apporte pas de justificatifs sur l’origine des avoirs, il reste passible de la taxation au taux de 60 % nonobstant les impositions issues de la régularisation de ses avoirs selon les déclarations rectificatives déposées.
Pour autant il ne peut espérer une modulation des pénalités dans les mêmes conditions que la régularisation spontanée.
Il convient de signaler que l’administration fiscale s’attend à un nombre important de contentieux sur le terrain des dispositions de l’article L 23 C du LPF dont la légalité parait discutable et va faire gonfler le nombre de contentieux pendant devant les juridictions judicaires (compétentes pour la taxation à 60 %).
En conclusion, pour éviter de tomber de Charybde en Scylla, toute personne physique concernée doit mener une réflexion à l’aide de son conseil pour mesurer les enjeux de cette procédure rapportée à) sa situation et l’intérêt d’y recourir avant que la législation ne vienne encore à se durcir.